« Je sais que je suis l’esclave et vous le seigneur : la loi de ce pays vous a fait mon maître. Vous pouvez lier mon corps et diriger mes actions. Vous avez le droit du plus fort et la société vous le confirme. Mais sur ma volonté, monsieur, vous ne pouvez rien ; Dieu seul peut la réduire. C’est comme si vous vouliez manier l’air et saisir le vide. »
La belle Indiana âgée de 19 ans, mal mariée à un officier à la retraite – aussi brutal, méprisant que méprisable –, s’ennuie dans son castel de la Brie. Seules les compagnies de sa sœur de lait créole, Noun, et de son cousin, Sir Ralph, adoucissent quelque peu la torpeur et la rigueur du domaine comme de son propriétaire.
Un voisin, Raymon de Ramière, va bientôt s’immiscer et s’inviter au cœur de ce morne cercle avec, dans son sillage méphistophélique, son lot d’intrigues, de manipulations, de triangles amoureux, de drames, de trahisons et autres infamies.
À l’instar de George Sand, dont les autrices Claire Bouilhac et Catel Muller ont adapté en bande dessinée le premier roman signé sous le célèbre pseudonyme d’Aurore Dupin, ce n’est pas le marivaudage tragique qui est le véritable objet de ce texte.
Celui-ci est en effet un prétexte, un vernis, car ce récit – qui, sans être une autobiographie, n’est pas sans ressemblance avec la propre vie de George Sand – interroge surtout la place de la femme dans la société, le statut asservissant du mariage, l’expression ainsi que la pluralité du désir féminin et, conséquemment, la question de l’émancipation.
Réalisée à quatre mains – Catel y signe les pages introductives et finales de l’ouvrage, pendant que Claire Bouilhac réalise le cœur du roman graphique, en prêtant les traits diaphanes de la jeune Isabelle Adjani à Indiana –, cette adaptation fidèle à la grande écrivaine, tant dans la langue que dans l’esprit, est une réussite totale. Totale puisqu’elle nous incite à lire ou à relire l’œuvre originelle, encore trop méconnue.
Dont l’indispensable Histoire de ma vie : ses mémoires et monument de la littérature.
« Avec le recul, je reconnais que j’avais le même caractère passionnée que mon héroïne ; je ne réalisais pas combien mes amours exaltées avec Sandeau, Musset ou Chopin m’exposeraient au scandale. J’ai expérimenté le jugement de la société, mais grâce à l’écriture, j’ai conquis ma liberté. »
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